Arômes des vins et indices précurseurs dans les baies

Une introduction à la dégustation, toute en douceur.

Arômes des vins et indices précurseurs dans les baies

Débattre des arômes du vin c’est parfois enfoncer des portes ouvertes, souvent susciter la controverse. Entre-ouvrons la porte et provoquons, en quelques lignes, ce courant d’air qui portera ces effluves qui éveillent  nos sens.

Entendons-nous bien, je ne vais pas énumérer ci-dessous les quelques sept cents composés aromatiques déjà dosés dans le vin mais vais  tenter de lever le voile sur leur provenance.

Dans un autre article, Harald vous a parlé des trois catégories d’arômes, issus du métabolisme du raisin, de celui des micro-organismes ou de l’élevage et l’évolution du vin. Jusque-là les choses sont simples et font consensus. Elles se compliquent dès lors que nous évoquerons les précurseurs d’arômes et la source du développement des arômes d’élevage.

Les précurseurs sont, pour leur part, à classer en deux grandes catégories suivant la place qu’ont prises les molécules odorantes :

  • accrochés à un sucre, les précurseurs sont dégradés en arômes dans le fruit et on les retrouve avec à peu près la même intensité dans les vins jeunes.
  • accrochée à un acide aminé la molécule est totalement inodore dans la baie et se révèlent lors du processus fermentaire. Dans le cas des thiols, tant recherchés sur nos sauvignons blancs, vont se développer ainsi les arômes de rhubarbe, buis, pamplemousse, sueur, mangue, genêt ou encore fruits exotiques.

Mais avant de s’attacher à faire passer les précurseurs d’arômes dans le moût,  d’utiliser l’activité enzymatique de la levure pour les transformer, puis de  favoriser leur conservation dans le vin,  encore faut-il avoir favorisé leur concentration dans la baie. Pour cela nous devons nous éloigner quelque peu du sacro-saint « winemaker » et nous intéresser au savoir-faire de l’homme de la terre. Celui-ci ne pourra que partiellement pallier les excès climatiques mais, par son action agronomique en implantant le bon porte-greffe, en gérant la densité de plantation, le mode de conduite de la parcelle, l’équilibre de la végétation, la date de récolte… il maitrisera la complexité des facteurs viticoles qui interviennent dans le potentiel aromatique des vins. Maîtrise

L’alimentation en eau et en azote de la plante durant les semaines précédant la récolte soulignera avantageusement le travail du vigneron. Une légère contrainte hydrique, sans canicule, après véraison sera favorable au sauvignon blanc (toujours lui), mais si elle perdure, le déséquilibre dans la baie sera irréversible. La possibilité d’irriguer la parcelle permettra en partie de corriger certains caprices du temps. Tout est question d’équilibre

Par la pratique de l’effeuillage, le vigneron averti réduira l’ombrage des grappes affectant profondément le potentiel aromatique des baies. Mais la recherche d’un meilleur éclairage par une exposition longue et directe au soleil pourrait ruiner ses efforts. Tout devient une question de dosage

Tous les cépages ne réagissent pas de la même manière à l’exposition aux radiations solaires. L’harmonie tiendra du  bon mariage entre la nature et la couleur du sol, et, sa capacité à capter et transmettre les rayonnements. Tout est question d’adaptation

La pellicule est le foyer principal de ces composés directement odoriférants ou précurseurs d’arômes futurs. A sa surface cohabitent les éléments diversifiés d’une flore hétéroclite que le climat et le mode de conduite vont tour à tour favoriser ou éradiquer. L’humidité par exemple, qui nous le savons est favorable à la plante, l’est aussi pour le développement des moisissures qui, une fois en cuve, s’exprimeront au travers de goûts terreux ou moisis. Ainsi, tous les arômes contenus dans la baie ne seront pas profitables aux qualités organoleptiques du vin et ne devront pas s’exprimer.  Celui de poivron vert, très présent dans les pellicules de certains cépages rouges est de ceux-là. La molécule responsable de cet arôme est synthétisée au cours de la croissance végétative de la vigne, depuis la nouaison jusqu’à la véraison (disons de juin à août). Photo- et thermosensible, elle sera dégradée et diluée du fait de l’augmentation du volume des baies lors de la maturation. C’est au moment où débute la dégradation de l’arôme de poivron vert que ceux, recherchés, de mûre et de cassis s’accumulent. Un changement climatique à ce moment charnière, un éclairement atif, tardif ou trop généreux de la zone fructifère, s’il évitera efficacement le développement de moisissure, pourra du même coup compromettre irrémédiablement la future expression aromatique du vin. Un bien pour un mal. Tout est question de dosage

Tous les composés, élaborés dans les baies, créés ou biosynthétisés lors du processus de transformation du moût en vin, sont essentiels au développement aromatique. Pourtant, aux différentes étapes de la fermentation, ils peuvent être tour à tour des révélateurs ou des destructeurs d’arômes. Un phénomène permanent de balancier régit donc l’apparition des arômes ou de leurs précurseurs et finalement  l’homme de l’art n’enfoncera aucune porte ouverte. Attentif et modéré, rigoureux et sélectif, il détient simplement parfois les clefs de celles qui se referment à son approche durant le processus d’élaboration. Et avec le changement climatique son trousseau s’est enrichi de nombreuses clefs.

Par Par Xavier-Luc LINGLIN, Directeur Général de la SA François Lurton

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